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oct. 2025

MBO vs MBI : quelle stratégie pour transmettre son entreprise ?

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Lorsque vient le moment de passer la main, le dirigeant est souvent confronté à un choix structurant : transmettre à l’équipe de management en place, ou bien ouvrir le capital à un repreneur externe. Ces deux scénarios, connus sous les acronymes MBO (Management Buy-Out) et MBI (Management Buy-In), reflètent des dynamiques très différentes. Le premier mise sur la continuité ; le second, sur la rupture. Et le succès de l’opération dépend souvent de la cohérence entre le schéma choisi et la trajectoire future de l’entreprise.

Transmettre à ceux qui sont déjà aux commandes

Le MBO repose sur une idée simple : les personnes les mieux placées pour reprendre l’entreprise sont celles qui la dirigent déjà au quotidien. Pour le cédant, c’est une solution rassurante. Les clients, les fournisseurs, et même les salariés y trouvent souvent leur compte, car les visages restent les mêmes et les méthodes de travail évoluent peu.

Mais ce scénario n’est pas sans défis. Passer du statut de salarié à celui d’actionnaire majoritaire suppose un véritable saut entrepreneurial. Il faut lever des capitaux, s’endetter, et assumer une nouvelle posture. Côtés investisseurs, le MBO inspire une certaine prudence financière : le levier de dette reste généralement plus modéré, la continuité managériale étant censée réduire le risque d’exécution.

Parier sur un dirigeant externe

Le MBI suit une toute autre logique. Il s’agit de faire entrer un repreneur extérieur à l’entreprise : un ancien cadre dirigeant, un entrepreneur aguerri ou un binôme mêlant expertise opérationnelle et fibre financière. Ce type de transmission s’impose souvent lorsque l’entreprise doit franchir un cap stratégique – internationalisation, digitalisation, transition vers un modèle récurrent.

Pour les fonds d’investissement, le MBI est une manière d’injecter du sang neuf, quitte à accepter une phase de transition plus longue. Le package d’incentives réservé au nouveau management est souvent généreux, avec une part de la valeur liée à la surperformance future. Mais le pari reste plus risqué : il faut que l’intégration fonctionne, que la greffe prenne, que les équipes adhèrent.

 

MBI plus cher que MBO ? Pas si simple

On entend souvent que le MBI se paierait plus cher que le MBO, car le profil du repreneur rassurerait davantage les investisseurs. À l’inverse, un MBO serait assorti d’un « discount de continuité ». La réalité est plus nuancée. La valorisation dépend d’abord des fondamentaux de l’entreprise, de la tension concurrentielle dans le process et de la qualité du projet industriel. Un MBI centré autour d’un dirigeant charismatique peut effectivement déclencher des enchères plus élevées. Mais un MBO porté par une équipe soudée, capable de dérouler une stratégie de croissance externe crédible, peut atteindre des niveaux similaires.

Rester ou partir : un impact sur le deal

Le rôle du cédant après la transaction varie fortement selon le schéma choisi. Dans un MBO, il n’est pas rare qu’il conserve un rôle de président non exécutif ou de senior advisor pendant quelques années, afin d’assurer la transmission des savoirs et des contacts. Dans un MBI, au contraire, sa sortie est souvent plus rapide – parfois même immédiate – le nouvel actionnaire opérationnel souhaitant rapidement affirmer son leadership.

Cette différence influe directement sur la structure du prix. Un cédant qui reste minoritaire dans un MBO acceptera plus volontiers un paiement différé, misant sur la création de valeur future. À l’inverse, s’il quitte la gouvernance dans le cadre d’un MBI, il cherchera à maximiser le cash-out immédiat.

L’humain, facteur clé de succès… ou d’échec

Le facteur humain ne doit pas être sous-estimé. Dans un MBO, la dynamique collective est un levier puissant, à condition que l’équipe soit alignée. Mais elle peut aussi devenir un point de friction, si les contributions respectives ne sont pas équilibrées, si les pactes d’actionnaires sont mal conçus, ou si la gouvernance interne manque de clarté. Dans un MBI, la principale difficulté réside dans l’acceptation du nouveau dirigeant. Les cent premiers jours sont cruciaux pour concilier respect de l’héritage et affirmation d’une nouvelle vision.

Même mécanique financière, logique différente

Sur le plan du financement, les structures sont similaires. MBO et MBI reposent généralement sur un schéma de LBO classique : une dette senior entre trois et quatre fois l’EBITDA, éventuellement complétée par une mezzanine ou une unitranche, et un apport en fonds propres représentant 30 à 40 % de la valeur d’entreprise. La principale différence réside dans la répartition du sweet equity. Dans un MBO, il est réparti entre plusieurs cadres clés ; dans un MBI, il est concentré entre les mains du repreneur principal. Les mécanismes de surperformance (ratchets) se négocient au cas par cas.

Une décision fondée sur quatre piliers

Le choix entre MBO et MBI ne se réduit ni à une question de prix, ni à une question d’affinité personnelle. Il doit reposer sur quatre considérations majeures : la solidité de l’équipe interne, le besoin ou non d’un virage stratégique, la volonté du cédant de rester impliqué, et la capacité de l’écosystème à accueillir un nouveau dirigeant. Un conseil expérimenté saura modéliser les scénarios, tester les réactions du marché, et recommander la voie la plus cohérente.

Deux chemins exigeants

MBO et MBI ne sont pas deux versions d’un même film. Le premier mise sur la stabilité, le second sur la transformation. Tous deux peuvent conduire à une transaction réussie si le schéma retenu est adapté au contexte, préparé avec rigueur, et accompagné d’un dispositif de gouvernance solide. L’époque où l’on improvisait un MBO en six mois est révolue. Aujourd’hui, il convient de l’anticiper, de le structurer, et de le piloter.